Extrait de l'article de Raphaëlle Drouin paru dans la section Brasser des Affaires, du site web Urbania.
Tous les entrepreneurs vous le diront : se lancer en affaires, c'est comme sauter d'un avion sans savoir si le parachute va s'ouvrir. Mais parfois, le parachute s'ouvre plus tôt que prévu et le vent commence à souffler de votre côté. Très vite et très fort.
Devenir viral avant même de livrer un seul produit? Ça arrive parfois. Et même si un tel succès rapide est le rêve de nombreux entrepreneurs, cela apporte son lot de défis. Que se passe-t-il quand des centaines, voire des milliers de clients attendent votre produit alors que votre entreprise n'est pas encore totalement établie?
Chronique d'une entreprise construite en plein vol: Lasclay.
L’urgence de se lancer
C’est ce qui est arrivé à Philippe Langlois et Gabriel Gouveia. Ils réfléchissaient depuis des années à lancer une entreprise d’accessoires d’hiver fabriqués à partir de fibre d’asclépiade. Sauf qu’une mitaine isolée avec une plante souvent considérée comme une mauvaise herbe, ce n’est pas vraiment un produit très conventionnel, disons.
«ON A MIS UNE ALLUMETTE POUR VOIR CE QUI ALLAIT SE PASSER ET LE FEU A PRIS.»
Est-ce que les gens achèteraient ça? Est-ce que la demande serait au rendez-vous? Les deux amis ont décidé de tâter le terrain en exposant leur idée de compagnie (et de premier produit) sur Facebook, avec un lien vers un site web où les internautes intéressés pouvaient entrer leur adresse courriel en vue d’une future prévente.
«On a mis une allumette pour voir ce qui allait se passer et le feu a pris», m’explique Philippe. En quelques semaines, ils ont amassé plus de 10 000 courriels.
Lasclay était née.
La publication mise en ligne à la fin septembre 2020 a depuis été aimée plus de 9000 fois et partagée presque 6000 fois. «Le 1er septembre 2020, on n’avait pas de page Facebook, pas de site web, pas d’adresse courriel», m’avoue Gabriel. «L’intérêt est organique. Nous on a fait une publication Facebook au début, c’est tout. Le 1er octobre, des milliers de personnes s'étaient déjà abonné à notre infolettre.»
L’idée, c’était surtout de diminuer le risque. De voir si ça valait la peine d’investir temps et argent dans ce produit. «Dès qu’on a parti ça, on savait qu’on allait vérifier qu’il y avait bien un intérêt avant d'investir trop de temps et d'argent. Ça parait simple, mais de nombreux entrepreneurs se rendent très loin sans jamais valider la demande pour leur offre!».
Les deux jeunes entrepreneurs sont encore surpris de l'enthousiasme pour un produit aussi spécialisé, et surtout, sur lequel il y avait encore du raffinement à apporter.
«On ne s’attendait pas à ça. On pensait faire peut-être une centaine de mitaines pour notre entourage et peut-être l’année prochaine développer ça plus sérieusement. Mais finalement, il faut être sérieux dès maintenant», me dit Philippe en riant.
Les contraintes de l’élan
À la fin octobre, Lasclay prévoyaient vendre et distribuer entre 600 et 1000 paires de mitaines pour cet hiver. «On essaie de rester agiles et de garder une marge de manœuvre, précise Gabriel. Est-ce que les gens vont en vouloir après Noël? Est-ce que notre fournisseur va être capable de fournir? On est vraiment flexibles et on veut pouvoir se retourner de bord facilement, que ce soit moins ou plus que prévu».
«DES MILLIERS DE PERSONNES QUI MANIFESTENT DE L'INTÉRÊT TOUT D'UN COUP, ÇA CHANGE LA DONNE.»
On le sait, en affaires, les choses se déroulent rarement comme prévu. Même avec un plan pour le meilleur et pour le pire, il faut s'adapter. Et parfois, cela peut même signifier accélérer, ou bien outrepasser des étapes de croissance.
Par exemple, à leurs débuts en 2020, Gabriel et Philippe se sont fait larguer par leur premier fournisseur en raison de l'engouement trop fort, et ont dû dénicher un plus gros fournisseur à Montréal, capable de combler leurs besoins. «Des milliers de personnes qui manifestent de l’intérêt soudainement, ça change la donne, renchérit Gabriel».
Depuis la parution de cet article, l'équipe de Lasclay a rapatrié et automatisé une bonne partie de sa production, en plus de lancer plusieurs autres produits isolés à l'asclépiade après leurs réputées mitaines: Des foulards, cache-cous, bandeaux, semelles, sacs à lunch, glacières, et même des produits d'horticulture régénératrice à base d'asclépiade, pour sauvegarder les pollinisateurs menacés comme le papillon monarque, une mission environnementale leur tenant à cœur.