Asclépiade: pilier des écosystèmes et isolant végétal haute performance
L’asclépiade commune (asclepias syriaca), aussi appelée le Soyer d'Amérique, est une plante indigène d'Amérique du Nord qui colonise les champs inexploités, les terrains vagues et même les bords de routes.
Les amants de la nature et même les néophytes savent la reconnaître facilement. Que ce soit à l’étape de la floraison avec ses ombelles florales presque parfaitement sphériques ou lors de l’ouverture de ses fruits remplis de graines et de soies blanches, l’asclépiade attire l’attention des passants.
L’asclépiade commune est l’espèce la plus connue et répandue de la sous-famille des Asclepiadoideae, elle-même membre du genre des apocynacées (Apocynaceae) qui regroupe plus de 2000 espèces. L’asclépiade commune s’étend naturellement du Québec au Texas du Nord au Sud, et de l’Oregon à la Nouvelle-Écosse d’Ouest en Est. Il s’agit de l’espèce qui est cultivée commercialement au Canada pour sa soie blanche isolante, hydrophobe, imputrescible, hypoallergène, antibactérienne et absorbante.
Au Québec et dans l’Est du Canada, 4 espèces d’asclépiade sont indigènes:
- L’asclépiade commune (asclepias syriaca), aux fleurs roses
- L’asclépiade incarnate, ou asclépiade des marais (asclepias incarnata), aux fleurs mauves
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L’asclépiade tubéreuse (asclepias tuberosa), aux fleurs oranges
- L’asclépiade très grande (asclepias exaltata), aux fleurs blanches
Une mine d’or pour les pollinisateurs
L’abondance et la diversité d’insectes fréquentant l’asclépiade n’est pas due au hasard:
- Elle déborde de nectar riche en sucres (3%).
- Ce pollen est en plus renouvelé durant la durée de vie de la fleur, ce qui est inhabituel.
- La période de floraison est aussi inhabituellement longue comparativement à d’autres plantes, soit d’environ 4 semaines pour une colonie.
Quelques-uns des nombreux pollinisateurs fréquentant les fleurs d'asclépiade.
Plante hôte du papillon monarque
L’asclépiade est la plante hôte exclusive du papillon monarque (Danaus plexippus). Leur relation symbiotique remonte à des millions d’années et est si complexe que la science n'a pas encore fini de percer tous ses mystères.
- La sève de l’asclépiade contient naturellement des substances appelées cardénolides, toxiques pour la plupart des animaux, incluant plusieurs prédateurs et parasites du monarque.
- Les femelles du monarque pondent exclusivement sur des plants d’asclépiade répandus le long de leur route migratoire, du Mexique au Canada.
- Les chenilles se nourrissent des feuilles de l’asclépiade pour s’auto-médicamenter contre les parasites et devenir toxiques pour plusieurs de leurs prédateurs potentiels.
- Les chenilles forment leur chrysalide près de leur plant d’asclépiade de naissance, là où éclot un papillon qui se nourrira, entre autres, du nectar de l’asclépiade (aidant la pollinisation), mais aussi d’autres fleurs dépendant du moment de l’été où il éclot.
La particularité ici est qu’au lieu de décomposer ou d’excréter les toxines de sa nourriture, comme c’est le cas de plusieurs animaux au comportement similaire, la larve du monarque l'accumule dans ses tissus et les conserve même après sa transformation en papillon. La concentration de cardénolides dans une chenille/un papillon monarque est ainsi beaucoup plus élevée que dans un plant d’asclépiade, les rendant effectivement toxiques pour plusieurs prédateurs et parasites. Quelques autres insectes spécialistes (punaises, longicorne, chrysomèle et puceron de l’asclépiade, etc.) ont aussi développé la même stratégie évolutive, arborant les mêmes couleurs que le monarque.
Comme la relation est symbiotique, l’asclépiade présente aussi des signes de co-évolution avec le monarque et autres herbivores. La plante semble guérir de plus en plus vite des attaques de ses prédateurs herbivores dont la chenille du monarque fait partie. Aussi, sa reproduction dépend en partie de la pollinisation effectuée par les monarques adultes qui s’alimentent avec l’abondant nectar de ses fleurs.
Il devient donc presque impossible de décrire le monarque sans mentionner l’asclépiade, et vice versa.
La soie d'Amérique comme isolant thermique de haut niveau
Ce sont les fibres attachées aux graines d'asclépiade qu'on appelle communément Soie d'Amérique ou Soie du Québec. Ces fibres à la structure creuse, en forme de micro tubes presque parfaitement ronds piègent l'air et créent une barrière thermique, acoustique et imperméable surprenante pour un matériau végétal. Lorsque les soies d'asclépiade sont utilisées comme un rembourrage ou alignées en membrane d'isolant textile, l'air contenu dans la portion interne (lumen) des fibres s'ajoute aux couches d'air emprisonnées entre les fibres. Cette propriété unique crée un parfait rempart contre les transferts de chaleur, permettant de fabriquer des accessoires de plein air minces, légers et dont le niveau d'isolation thermique n'a rien à envier aux matériaux d'origine synthétique ou animale.
Une autre propriété intéressante qui rend les fibres encore plus adaptées comme doublure de vêtement de plein air: elles sont naturellement enduites d'une cire qui les rendent hydrophobes, c'est-à-dire qu'elles repoussent complètement l'eau. Donc, en plus de garder au chaud, les vêtements isolés à l'asclépiade gardent au sec! Il s'agit d'un avantage impressionnant par rapport aux autres isolants textiles disponibles sur le marché, comme le duvet, le polyester ou la laine qui s'imbibent facilement d'eau et retiennent l'humidité, tout en ayant un impact écologique et éthique beaucoup plus élevé.
Et cet avantage est double: L'asclépiade repousse autant l'humidité provenant de l'extérieur (neige, pluie, etc.) que celle provenant de l'intérieur (transpiration).
Autres usages industriels
Matériel de flottaisonUn peu d'histoire: Durant la Deuxième Guerre mondiale, alors que l'approvisionnement en kapok d'Asie est bloquée par le Japon, on la cueille à grande échelle au Canada et aux États-Unis pour en tirer une fibre textile, utilisée pour remplir les vestes de flottaison des marins et aviateurs. En effet, les propriétés hydrophobes de l'asclépiade la font flotter jusqu'à 8 heures d'affilée. Bien sûr, tout cela fut avant l'arrivée des matériaux synthétiques. Ce potentiel a malheureusement été abandonné aujourd'hui.
Absorbant de déversements pétroliers
Il en va de même pour la foule d'autres débouchés économiques de l'asclépiade. L'un des plus prometteurs actuellement est sans nul doute en tant qu'absorbant de haut niveau pour les déversements pétroliers. En effet, la même structure tubulaire des fibres qui leur donne leur propriété isolante les rend aussi lipophiles, c'est-à-dire capables de retenir les matières huileuses. Il va sans dire que cette caractéristique serait très utile pour contenir les déversements de produits pétroliers en milieux aquatiques. À poids égal, l'asclépiade absorbe 5 fois plus de diesel que la matière la plus utilisée actuellement sur le marché à cette fin (polypropylène), en plus de flotter parfaitement et de n'absorber aucune eau! L'asclépiade est une alternative miraculeuse à ce niveau, surtout quand on pense à l'ironie de l'industrie actuelle des absorbants pétroliers, qui sont fabriqués à base de... pétrole!
Rembourrage de literie
Une compagnie américaine, Ogallala, utilise l'asclépiade combinée au duvet dans leur rembourrage de literie et d'oreillers. Naturellement hypoallergène, l'asclépiade repousse l'humidité, la poussière et les acariens. Elle donne aux produits d'Ogallala une qualité supérieure à la compétition, et aux utilisateurs un sommeil meilleur que leur entourage!
Cosmétiques
L'huile extraite des graines d'asclépiade est considérée de près pour son potentiel comme base de cosmétiques, tels que des lotions pour la peau ou de la crème solaire. Avec un procédé chimique, il est effectivement possible de transformer les triglycérides de l'huile d'asclépiade en composés qui absorbent les rayons UV. Peut-être dans un avenir un peu plus distant, mais tout de même très prometteur!
La révolution de l'asclépiade est là, partout autour de nous... il ne reste qu'à la cueillir!