Mitaines d'asclépiade dans un décor hivernal
Extrait de l'article de Caroline Bertrand, publié sur ICI EXPLORA le 28 septembre 2021.
Le duvet et les matières synthétiques ne sont pas les seules options pouvant nous tenir au chaud l’hiver : l’asclépiade, outre ses vertus écologiques, possède également d’importantes propriétés isolantes. 

« Un champ d’asclépiades, l’été, ça bourdonne d’abeilles, de taons, de coléoptères et de toutes sortes d’insectes pollinisateurs bénéfiques », illustre au Gabriel Gouveia, cofondateur de Lasclay. Cette plante nectarifère reconnue pour attirer le papillon monarque, une espèce en péril au Canada, est au cœur de la mission de l’entreprise québécoise. Après une première paire de mitaines d’hiver l’an dernier, elle a depuis lancé avec succès plusieurs autres produits isolés avec la même matière: un foulard, un cache-cou, un bandeau, des semelles isolées pour garder les bottes au chaud et même une gamme de sacs à lunch et glacières.

Hormis ses avantages évidents pour les écosystèmes naturels, cette plante indigène offre des propriétés remarquables qui génèrent une forte demande et justifient la fabrication locale de vêtements isolés en petites séries. «Les fibres issues de son fruit sont légères, hydrofuges, hypoallergéniques et offrant une isolation beaucoup plus performante que le duvet d'oie ou la laine», comme le précise Gabriel. 

L’asclépiade commune, ou asclepias syriaca de son nom latin, est la plus importante représentante des asclépiades au Québec. Elle pousse facilement – même sur les bords de route et dans les terrains vagues – et dans nombre de régions : au Lac-Saint-Jean, dans Charlevoix, dans le Bas-Saint-Laurent, en Chaudière-Appalaches (où s’approvisionne Lasclay), en Estrie, en Mauricie, en Outaouais… 

Au point que cette vivace, parfaitement adaptée à notre climat, « compétitionne un peu trop bien avec des cultures comme le maïs ou le soja », souligne Gabriel. « Elle a donc été éliminée depuis des décennies par des agriculteurs et des villes à coups de pesticides ou de fauchage. Encore aujourd'hui, on la considère carrément comme une mauvaise herbe à éradiquer, mais c'est en train de changer. Des champs d’asclépiades sont maintenant cultivés dans les milieux ruraux, ce qui est un gain inespéré pour les pollinisateurs. ».

Fibres d'asclépiade dans la main

 L'asclépiade peut remplacer le duvet et les matières synthétiques. 

« La culture de l’asclépiade n’est pas encore entièrement biologique, précise le passionné de la flore boréale, mais elle est cultivée sans insecticide, fertilisant ou irrigation. Lorsqu’on compare ses effets environnementaux à ceux d’autres grandes cultures textiles comme le coton, c’est énormément réduit. » C’est sans compter que cette favorite des jardins à papillons résiste très bien à la sécheresse et peut-être cultivée en terre marginale et pauvre, contrairement au maïs, au coton, au canola ou au soya.

Récolte complexe 

Bien que la culture de l’asclépiade soit parfaitement adaptée au territoire nordique canadien, sa récolte, elle, comporte son lot de défis techniques, un frein pour l’instant à une exploitation plus substantielle.

En effet, non seulement la période optimale de récolte est-elle courte – environ deux semaines –, mais en plus, il n'existe aucune technologie de récolte mécanisée spécialisée et efficace avec l'asclépiade, ce qui serait pourtant nécessaire à son développement à grande échelle. « Les entreprises qui ont lancé l'industrie de l'asclépiade se sont effondrées, car elle n'ont pas réussi à mener à terme la conception d'une récolteuse d'asclépiade qui leur aurait permis d'honorer leurs contrats », indique Gabriel. « Toute cette logistique est assez complexe et coûteuse. » 

Son rêve reste néanmoins de démocratiser l’usage de l’asclépiade, d'en faire un fleuron de renommée internationale. Et pour y parvenir, « il faut, à terme, qu’une récolte et qu’un séchage à plus grand volume se fasse pour récolter toutes les superficies dans la fenêtre de deux semaines de l'automne », explique l’entrepreneur.

Plusieurs débouchés

D’autres industries tirent-elles parti des vertus de l’asclépiade ? Actuellement, Lasclay identifie deux autres applications potentielles : l'utilisation de cette plante dans les produits absorbants pour déversements pétroliers et en cosmétique, où l'huile des graines d'asclépiade, riche en vitamine E et en acide gras oméga, peut être intégrée dans des crèmes hydratantes, des crèmes solaires ou des baumes naturels.

Il voit également un potentiel inexploité dans la fabrication de matériel médical plus écologique. « Les fibres de l'asclépiade sont hypoallergéniques et imputrescibles, et résistent bien à la colonisation par les bactéries et les microbes », précise-t-il.

« L'utilisation de l'asclépiade pourrait réduire la lourde empreinte environnementale des membranes textiles antimicrobiennes synthétiques, actuellement utilisées dans le matériel médical, telles que les masques et les blouses. », conclut le lauréat d’un prix au Sommet mondial du design de Montréal en 2017 pour Renouer, un emballage écoresponsable constitué de deux plantes ennemies: la renouée du Japon et...l’asclépiade!


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