Reportage sur l'entreprise Lasclay à l'émission Sérieux?, diffusée sur ICI EXPLORA en mai 2022.

Verbatim de l'entrevue:

Mathieu Pichette (animateur): Oui, je l'avoue. Présentement, je suis dans le champ. Mais c'est parce que c'est un champ d'asclépiade. Une plante, qui en plus d'être la meilleure amie des papillons monarques, qui s'en nourrissent, est en train de se tailler une petite place dans l'industrie mondiale de la mitaine…

Comme celles que je porte présentement.

Mathieu Pichette: Gabriel Gouveia est co-fondateur de Lasclay. Une jeune compagnie qui fabrique des produits à partir d'asclépiades.

Mathieu Pichette: Gabriel, jusqu'à tout récemment, on n'avait pas vraiment pas entendu parler de l'asclépiade. Peux-tu nous présenter cette plante-là?

Gabriel Gouveia (co-fondateur de Lasclay): L'asclépiade commune, en fait, qu'on voit ici, c'est une plante indigène qui pousse un peu partout en Amérique du Nord. Et c'est une plante que beaucoup de personnes connaissent de vu, mais sans connaître de nom. Ça pousse souvent sur les bords de routes. On peut la voir dans des terrains vagues, dans des fossés, on la trouve vraiment partout. Elle n'est pas difficile à trouver.

Mathieu Pichette: Donc ça, c'est de l'asclépiade?

Gabriel Gouveia: Oui.

Mathieu Pichette: C'est une plante dont se nourrissent les papillons monarques?

Gabriel Gouveia: En fait, les papillons monarques sont les plus fidèles représentants de tout un groupe d'insectes pollinisateurs qui se nourrissent de la plante parce qu'elle produit beaucoup de nectar, et contient une sève légèrement toxique contre laquelle ces insectes sont devenus immunisés. Les chenilles de monarque, ont appris à accumuler et concentrer les toxines de l'asclépiade, les cardénolides, dans leur corps, ce qui leur permet de devenir à leur tour hautement toxiques pour leurs prédateurs. Cette symbiose s'est construite durant des millions d'années d'évolution.

Mathieu Pichette: Donc ce n'est pas une mauvaise herbe, là?

Gabriel Gouveia: Ce n'est absolument pas une mauvaise herbe au point de vue naturel, loin de là. Ce n'est pas une plante exotique envahissante, qui vient d'un autre pays, ou d'un autre continent. C'est vraiment une plante indigène qui est intégrée à notre écosystème depuis des millénaires, même des millions d'années.

Mathieu Pichette: C'est quoi les propriétés intéressantes de cette plante-là?

Gabriel Gouveia: Les propriétés de la plante elle-même, il y en a trop pour toutes les nommer. Mais au point de vue textile, c'est surtout la fibre qui est contenue dans les fruits à laquelle on s'intéresse. Le fruit, appelé follicule, produit des graines auxquelles sont attachées des longues fibres assez fines.

Des fibres comme ça, c'est carrément la soie brute, et nous, on utilise directement ça. On voit que les fibres sont en forme de tubes, quand on les regarde au microscope. Donc, elles sont remplies d'air et ça, ça distingue les fibres d'asclépiades de beaucoup d'autres fibres que l'on utilise pour l'isolation comme le duvet ou le synthétique, parce que le vide d'air qui est à l'intérieur, donne un pouvoir isolant supérieur.

Et en plus, la fibre est naturellement recouverte d'une cire hydrofuge qui repousse complètement l'eau. Donc, même si un produit comme une paire de mitaines ou un manteau d'asclépiades se mouille, le pouvoir isolant est préservé contrairement au duvet, par exemple, qui, quand il se mouille, perd 100% de ses propriétés isolantes.

Mathieu Pichette: On dirait du duvet. En quoi cette plante-là, c'est intéressant pour l'industrie du textile?

Gabriel Gouveia: Contrairement au coton ou à d'autres cultures, c'est une plante qui ne demande vraiment pas beaucoup de ressources pour être cultivée, étant donné que c'est une vivace, elle repousse toute seule au printemps chaque année, sans être semée.

Elle peut être cultivée de façon assez rentable sans pesticides, sans insecticides, sans engrais. Et finalement elle résiste aussi bien à la sécheresse.

Mathieu Pichette: On dirait justement que c'est une plante parfaite. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas utilisé ça avant?

Gabriel Gouveia: Ça fait quand même des dizaines et des dizaines d'années que l'on s'intéresse à l'asclépiade…

Mathieu Pichette: Ah oui? Alors ce n'est pas nouveau?

Gabriel Gouveia: Ce n'est pas nouveau, nouveau. Cette plante-là est utilisée depuis des milliers d'années, entre autres par les Premières Nations pour isoler des vêtements. La tige aussi, elle-même, on peut extraire des fibres quand même assez solides de ça, pour faire des cordages. Ce qui est nouveau, c'est le projet de fabriquer des produits d'asclépiade industriellement, à grande échelle, et de démocratiser son utilisation pour faire connaître ses propriétés.

Mais, c'est une plante qui ne se laisse pas facilement dompter. Parce que ce n'est pas une fibre qui a la même structure, qui a le même comportement que la laine ou le synthétique. Il n'y a pas encore de récolteuses mécanisées et il n'y a pas encore de méthodes de séchage et d'extraction standardisées fonctionnelles.

Une fois que ça va être possible de la récolter avec suffisamment de productivité, ça va juste exploser à mon avis.

Mathieu Pichette: Donc ça, c'est l'asclépiade qui est traitée?

Gabriel Gouveia: Exactement, ça fait vraiment quand même un beau matériau tout blanc, tout pur comme ça, qu'on met directement dans nos mitaines qui sont ici.

Mathieu Pichette: Et vos mitaines, vos glacières, c'est complètement, 100% isolé avec ça?

Gabriel Gouveia: Il n'y a rien d'autre que ça. (Correction: depuis cette entrevue, nous faisons des mélanges isolants composites pour certains produits soumis à une plus grande compression, afin d'accroître la durabilité de l'isolant).

Mathieu Pichette: Est-ce que tu dirais que l'asclépiade, c'est aussi performant que le duvet?

Gabriel Gouveia: Pour l'avoir testé, je dirais plus.

Mathieu Pichette: Encore plus chaud? 

Gabriel Gouveia: Oui.

Mathieu Pichette: Merci Gabriel.

Gabriel Gouveia: Ça fait plaisir.


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