La soie d’asclépiade pourrait être l'isolant de demain. Et plus encore, soutient l’entreprise Lasclay, qui souhaite que l’utilisation de ce matériau contribue à donner des ailes à d’autres acteurs économiques.
Il y a quelques années, une poignée de fabricants textiles se sont lancés dans la course à la soie d’asclépiade, qui était perçue comme un isolant à la fois écologique et révolutionnaire. Mais face à de nombreux obstacles de commercialisation, certains joueurs ont dû reculer ou même cesser leurs activités.
Pas Lasclay.
«On croit à l’asclépiade depuis les débuts et on continue d’y croire, parce que c’est vraiment un matériau qui peut changer la game», affirme le président et fondateur de l’entreprise, Gabriel Gouveia.
Pourtant, les débuts ont aussi été laborieux pour la jeune entreprise de Québec.
Pour poursuivre sa route, Lasclay a dû changer de direction. Elle est devenue un fabricant non pas de fibre textile, mais de produits isolés en asclépiade.
La folie pour les mitaines
L’aventure a débuté par une histoire de mitaines. À l’automne 2020, Lasclay diffuse une publicité sur les médias sociaux dans le but de tâter le marché. La réponse a été instantanée et au-delà des attentes. En quelques semaines, plus de 10 000 personnes s’étaient inscrites sur la liste pour précommander des mitaines.
La PME Lasclay transforme elle-même la fibre d'asclépiade pour l'intégrer dans l'isolation de ses produits et accessoires textiles. (Caroline Grégoire/Le Soleil).
Or, le sous-traitant de Lasclay ne pouvait répondre à cette demande. «La production de nos mitaines prenait quatre fois le temps prévu. Pour nous ajuster, soit nous devenions une marque de luxe, soit nous rapatriions une partie de l’assemblage.»
Lasclay a choisi la deuxième option.
Une bonne décision, juge aujourd’hui Gabriel Gouveia, qui espère que les investissements seront payants. Après une période de tâtonnements, Lasclay a créé un procédé de fabrication numérique en partie automatisé, qui lui permet de continuer à vendre ses produits à des prix abordables.
Investir dans la production
Depuis, la petite manufacture de Limoilou s’est équipée de six machines à coudre automatisées et de machines à découpe au laser.
Une récente subvention de la Ville de Québec, issue du programme Défi-Québec, lui permettra d’ajouter d’autres équipements sur mesure à son offre afin d’augmenter sa production.
«On invente nos procédés de fabrication au fur et à mesure que l’on conçoit nos produits. On se doit d’être innovants.»
— Gabriel Gouveia, président et cofondateur de Lasclay
C’est que la soie d’asclépiade est capricieuse. Bien qu’elle soit très résistante et isolante, cette plante indigène requiert une manipulation délicate.
«Elle en vaut le coût!», lance l’entrepreneur. Longtemps considérée comme une mauvaise herbe, l’asclépiade est naturellement isolante et hydrophobe.
La PME transforme elle-même l’asclépiade reçue par deux cultivateurs de Thetford Mines et du Bas-Saint-Laurent. La fibre est ensuite insérée dans les doublures de ses mitaines et des autres accessoires assemblés sur place.
Plus de produits
Les mitaines ont fait des petits. L’an dernier, Lasclay a suscité la curiosité en fabriquant une glacière et un sac à lunch, tous deux isolés avec de l’asclépiade.
Ce printemps, elle a ajouté à sa gamme des mitaines pour le four et des sous-plats. «Le but est de se diversier et que l'asclépiade se fasse connaître en dehors de l’hiver. C'est un isolant hautement performant, peu importe la saison!», martèle le chef d’entreprise. Un manteau trois-en-un, des pantoufles et un sac de couchage sont aussi sur la planche à dessin. Et tout ça est fabriqué à Québec.
La nouvelle besace de Lasclay, isolée à la soie d'asclépiade et disponible en 6 couleurs, incluant le jaune ambré de la photo.
SAUVONS LES MONARQUES!
Le potentiel commercial de l’asclépiade s’inscrit dans un développement durable et une économie circulaire. Son industrialisation permet même la survie d’espèces qui en dépendent, en créant de gigantesques champs d'asclépiade qui servent d'habitats et de source de nourriture à des espèces menacées, qui ont de plus en plus de difficulté à trouver la plante. «En cultivant l’asclépiade, ici au Québec, on favorise la survie du papillon monarque lors de sa migration. La chenille se nourrit exclusivement de feuilles d'asclépiades. À son tour, le monarque pollinise l’asclépiade, ce qui lui permet de se reproduire également. L'asclépiade étant vivace, on peut la laisser repousser seule chaque printemps, et laisser aussi les monarques tranquille tout l'été. On ne récolte que l'automne suivant, quand ils ont déjà entamé leur migration vers le Mexique.», explique Gabriel Gouveia. C’est une rare solution gagnant-gagnant pour les humains et la nature!